Il y a un moment que j’affectionne particulièrement,
ce sont les premières secondes quand
on sort du sommeil.
C’est précisément là où le rêve peut exister un
court instant dans le jour, dans ma tête.
Souvent flou, il n’ y a parfois qu’une couleur,
juste une sensation à laquelle je tente
de m’accrocher.
Tout cela change d’une nuit à l’autre, et de temps
en temps, j’ai la chance de me souvenir
d’un ou de plusieurs détails. Ce contexte,
me permet de faire un effort particulier. J’essaie
de mettre bout à bout les quelques indices du
réveil. Faire une mise au point sur une image,
se souvenir de l’atmosphère, établir une durée,
obtenir d’autres éléments . . .
Cet exercice prolonge le temps du rêve, il lui
constitue une mémoire supplémentaire, et je
tente d’y saisir un morceau de mon inconscient.
Généralement, on se souvient plus facilement
d’un cauchemar.
L’angoisse et la peur peuvent être si fortes
qu’elles nous sortent brusquement du sommeil.
Cet effet s’imprime avec plus de précision,
et c’est de la même façon que j’entreprends
des recherches dans les mauvais rêves.
Ce rituel d’introspection est très proche
de la manière dont j’aborde mon travail
de plasticien. Au départ il y a une idée, une forme
avec laquelle j’établis une stratégie pour lui
constituer une histoire.
Mes projets se dessinent à la suite d’un effort
similaire à celui décrit pour la collecte
et l’analyse du matériau dans les rêves.
C’est comme si l’oeuvre existe au préalable,
enfuie dans ma tête. J’invente un processus
de recherche pour trouver les éléments
qui la constitue en amont, et lui permettent
ensuite d’habiter le réel.
Ce mécanisme de rétroaction s’inscrit
dans un cycle complexe. Le mouvement n’est
jamais régulier.
Comme dans le cas d’un rêve, il existe des temps
dans mes travaux où l’intensité, la pesanteur,
et les forces sont différentes.
Certaines actions sont déchainées, il y a une
matière frénétique qui apparaît et je décide
ou non de la contenir.
Les différentes formes évoluent et disparaissent
dans le temps. L’équilibre laisse place au
déséquilibre dans un mouvement perpétuel.
Le plus important sera de restituer la part
du rêve dans mon travail.
Le réveil d’une forme : « entre chaos et équilibre»
Notes, septembre 2015
— Guillaume Barth,
2015