Créer est œuvre de l’esprit et Guillaume Barth exploite l’entre-deux monde qu’offre le réveil quand il s’effiloche aux dernières aspérités de la nuit, permettant à la conscience de se saisir d’une parcelle de l’inconscience. Il y a rêvé une nouvelle planète : Elina. Un nom hérité du grec, Hélê, l’éclat du soleil, et des symboles : Li, pour lithium et Na pour sodium. Elle sera façonnée dans le Salar d’Uyuni, un désert de sel des hauts plateaux de Bolivie, terre des indiens Ayamaras. Guillaume y organise un premier voyage, noue des contacts et y retourne pour sculpter des briques de sel qu’il assemble, construisant sur le sol gelé une demi sphère de la taille d’un igloo. Les trois mots d’espagnols qu’il a acquis pour cette opération lui permettent d’échanger avec les autochtones. Leur faire admettre qu’il construit une œuvre pour finalement la voir se déliter est de l’ordre de l’incompréhensible jusqu’à ce qu’en janvier dernier, après le sacrifice de trois lamas, des danses et incantations autour de leurs cendres, l’orage annonçant la saison des pluies couvre d’eau, en un miroir parfait, le sol impénétrable : la forme hémisphérique s’y reflète, l’astre rêvé apparaît dans son entièreté. Les amérindiens assistent à la naissance d’Elina, saisissant soudain la dimension poétique du projet. Emotion. Le sel, ses cristaux, l’eau et l’esprit se sont associés en une œuvre éphémère peu à peu diluée dans l’onde pour, progressivement, revenir à l’état d’origine, boucler, mais en laissant une trace, le cycle de la vie et de la mort, de la création et de l’effacement.
— Emmanuel Honegger,
28 novembre 2015