MUSICA 2016 Guillaume Barth, la pierre et l'oreiller

« L’art finalement représente les choses comme venant d’un profond jadis. » - Emmanuel Levinas -

Guillaume Barth est l’artiste qui a façonné Elina, un projet donnant naissance à cette sphère en briques de sel, plantée en plein milieu du désert Salar de Uyuni en Bolivie. Cette petite planète, née de l’eau et dissoute par elle, a fait l’objet de deux ans de travail et a notamment donné naissance à une vidéo. Cette année, Musica a flashé sur ce beau projet et a utilisé une des photographies de Guillaume Barth pour illustrer sa programmation 2016.

C’est perché sur le toit d’un immeuble d’Oulan-Bator, en plein cœur de la Mongolie, que Guillaume Barth, en Skype improvisé, a pris le temps de nous parler de sa vision de la sculpture et de ses futurs projets. Ce jeune artiste, diplômé en Arts Plastiques mais aussi formé à l’architecture à Strasbourg, met à jour depuis maintenant sept ans un univers à la fois grave et poétique puisé dans ses souvenirs de voyages.

À la fois sculpteur et explorateur, Guillaume Barth se plaît à se glisser dans cet interstice fécond : entre imaginaire et réalité. En toute simplicité, le cheveu en bataille et le sourire aux lèvres, il nous explique d’une voix douce, à l’autre bout du monde, son approche créative : « La sculpture est un travail de recherche dans la mémoire. L’idée d’une œuvre y existe déjà, le but est de revenir à cette genèse et la développer. Mes projets se dessinent à la suite d’un effort similaire à celui décrit pour la collecte et l’analyse des rêves. C’est comme si l’œuvre existait au préalable, enfouie dans ma tête. J’invente un processus de recherche pour trouver les éléments qui la constituent en amont et lui permettent ensuite d’habiter le réel. »

Lieux et mémoire

La mémoire comme matériau donc, mais qui prend une forme brutale, dans l’acier, le béton, le bois et le sel ; le possible se figeant dans le réalisable.

Des pensées comme genèse de l’œuvre, mais aussi des voyages. Guillaume Barth est un globe-trotter et chacune de ses expériences vient nourrir son art. Synthétisées dans ses sculptures, ses expéditions deviennent des histoires en volume offertes à nos regards, il invente une architecture des possibles. Conquête et quête de soi, ses installations nous renvoient à la force de l’imaginaire dans un double mouvement, à la fois ouvert vers l’inconnu et introspectif.

Où qu’il soit, c’est le contexte qui dicte à Guillaume Barth l’essence de l’œuvre à venir, ce qu’il vit, ce qu’il traverse, les souvenirs qui déjà surgissent et deviendront une preuve tangible de son existence. Certaines de ses sculptures varient ainsi au fil du temps, comme cette Geôle, boule de béton voulue à l’échelle de l’artiste, et qui plus tard, autrement, deviendra Fragments, éclats épars, prison désormais brisée.
Le parcours d’une vie, d’une pensée, tantôt figée, tantôt libre, chaque œuvre n’ayant cesse d’interroger le jeu et la fatalité, se prolongeant les unes les autres comme autant de réponses existentielles.

Avant de nous quitter et s’excusant déjà de devoir se déconnecter, Guillaume nous confie qu’il part dans la nuit pour les steppes, entre la Sibérie et le Kazakhstan, à la rencontre des communautés traditionnelles mongoles : teaser de la prochaine œuvre à venir.

« Jusqu’à quel point l’art abstrait est-il notre vision la plus valable de la réalité ? », se demandait Alberto Giacometti, il semblerait que pour Guillaume Barth ce point ait atteint l’absolu, une surface sans âge se modelant à l’aune de son vécu.

Par Aurélien Montinari

— Aurélien Montinari,
MUSICA 2016