Observateur, flâneur, philosophe, appelez-le comme vous voudrez ; mais vous serez certainement amené, pour caractériser cet artiste, à le gratifier d'une épithète que vous ne sauriez appliquer au peintre des choses éternelles, ou du moins plus durables, des choses héroïques ou religieuses. Quelquefois il est poète ; plus souvent il se rapproche du romancier ou du moraliste ; il est le peintre de la circonstance et de tout ce qu'elle suggère d'éternel »
Par ces mots, publiés dans un quotidien en 1863, Baudelaire dressait le portrait du peintre de la vie moderne.
70 ans plus tard, ce flâneur flâne toujours, cette fois raconté par Walter Benjamin, dans l’Europe fragile de l’entre-deux guerres.C’était il y a presque un siècle, les flâneurs ont continué de flâner, non pas seulement dans une Europe fragilisée mais aussi bien au-delà, dans un monde devenu accessible y compris dans ses confins les plus reculés. Guillaume Barth s’inscrit dans cette lignée de flâneurs.
Des déserts de sel de Bolivie aux peuples des rennes de Mongolie, du Québec au Sénégal en passant par l’Iran, Guillaume Barth poursuit une trajectoire peu ordinaire, qui décourage une lecture « classique » du parcours du jeune artiste - école / diplôme / résidence / exposition / publication... - car ce parcours vient s’entrecouper de moments mystérieux, plus proches de l’anthropologie que la pratique artistique.Ces moments gardés secrets par l’artiste viennent nourrir une démarche, qui regarde volontiers du côté du spirituel tout en s’incarnant dans des matériaux simples (béton, bois, acier) qui incluent aussi une dimension de fragilité en invitant aussi le sel, des arbres vivants ou encore des pièces de tissus.
L’Axis Mundi qui s’élève devant nous est une œuvre qui s’insère dans cet interstice entre l’indicible et le tangible. Echelle de Jacob ou Stairway to heaven, Axis Mundi est le lien entre le monde d’en haut et le monde d’en bas, rappelant au passage qu’il est heureux qu’une communication soit possible entre les deux.
Guillaume Barth propose au regardeur une ascension vers l’inconnu, ascension qu’il accompagne de façon bienveillante d’un balisage doux, capitonné de pièces de tissus collectés comme autant d’encourageantes petites portions de ciel qui font oublier le vertige de cette montée à plus de 18 mètres. Axis Mundi nous étonne et nous élève, remplissant ainsi pleinement le rôle que se doit d’endosser une œuvre d’art. Puisse l’artiste être chaleureusement remercié d’avoir imaginé et réalisé ce tour de force qui, je n’en doute pas, restera dans la rétine et la mémoire de chacun, comme un moment intense, comme la promesse d’un ailleurs qui n’est pas hors de notre portée.
— Estelle Pietrzyk,
Présentation de l’Axis Mundi, lors du vernissage dans l’atrium d’Arte Strasbourg Septembre 2018.